Tuesday, September 11, 2007
Opéra de Paris - Candida Höfer
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Monday, September 10, 2007
De l'état actuel de la danse, par Arthur Saint-Léon (IV)
DE L'ETAT ACTUEL DE LA DANSEpar A.M. SAINT-LEONPremier Maître de Ballet de l'Opéra de ParisProfesseur de l'Ecole de PerfectionnementLisbonne - Typographie du ProgressoAvril 1856Saint-Léon et Fanny Cerrito dans La Fille de Marbre4ème ET DERNIERE PARTIE: Du genre actuel de la danse - Des danseurs - Des danseuses - Des maîtres de ballet - De la danse de salonLa mode et le temps ont fait subir à la danse ses révolutions, aussi bien dans l'exécution, que dans la composition des ballets. De même qu'en politique chaque régime a vu ses boudeurs, décidés à regretter le passé, quelque supérieur que soit le présent, de même, on rencontre aujourd'hui une foule de vieux amants de Terpsichore, qui prétendent que la danse n'est plus ce qu'elle était il y a soixante ans, et que l'on dansait mieux avant 89. Sans vouloir trancher net la question, nous croyons qu'au fond, cet art a beaucoup perdu, et nous avons suffisamment démontré dans nos précédents articles les réformes nécessaires pour l'arrêter dans sa décadence. Il reste donc à éclaircir la question de savoir si l'on dansait mieux autrefois qu'aujourd'hui. Sous le rapport de la régularité et de la perfection des mouvements, notre opinion est affirmative; et cette supériorité s'explique, elle était la conséquence de l'Epoque et de la mode. Jadis, la danse entrait dans l'éducation d'une grande partie de la société, elle en était le complément indispensable, on rencontrait même des amateurs qui exécutaient mieux que beaucoup de nos premiers danseurs actuels, et comme la danse était propagée dans le monde, voire même dans le peuple, et que l'on savait apprécier la perfection du danseur, l'artiste s'appliquait spécialement à la correction; peu à peu cependant, la mode de danser, dans la véritable acception du mot, changea, et aujourd'hui, la nouvelle génération, à tort ou à raison, a complétement renoncé à ce gracieux et gymnastique exercice. Pendant cette nouvelle révolution de la mode, les artistes d'Ecole, de jour en jour moins compris, tombaient en désuétude, entraînant l'art dans leur chute, lorsque Marie Taglioni vint donner une nouvelle impulsion à la danse, en apportant avec elle un genre nouveau, plus approprié au goût du moment.Mais si l'on dansait mieux autrefois, comme école et difficultés (ce dont nous convenons), si même on dansait devant un public expert, il ne s'en suit pas qu'il soit plus aisé de frapper ce public que celui qui n'est point initié aux secrets de la danse, et c'est là précisément la position dans laquelle se trouvent les artistes. Il faut de nos jours convaincre par le fait, et non par la raison: sans rien connaître aux difficultés vaincues, le public exige maintenant un je ne sais quoi qui le charme et le transporte, la véritable sensation est à ce prix; tandis qu'autrefois on était sûr de produire de l'effet avec une savante exécution. Qu'importe aujourd'hui au public qu'un danseur soit en-dedans, ou en-dehors, qu'il ait les pointes basses ou émoussées, qu'il soit bien placé, qu'il file une pirouette, etc, etc., ce qu'on veut, c'est un ensemble passable, mais pour arriver à ce but, il faut, n'en déplaise au public, si peu connaisseur de la véritable danse, des qualités peut-être plus difficiles à obtenir qu'une perfection isolée acquise par le travail.Indépendamment des écoles défectueuses, de la pénurie de professeurs, du petit nombre de maîtres de ballet, capables de tirer partie des moyens de l'artiste, et de la difficile éducation des danseurs, nous attribuons le manque de sujets hors ligne à la difficulté de frapper un spectateur duquel on n'est pas compris. Le public, croyons-nous, a donc été une des causes principales de ces espèces de dévergondage chorégraphique, qui s'est glissé parmi les danseurs et danseuses, mais s'il s'engoue quelquefois, et partiellement, d'un artiste d'un mérite souvent contestable, il sait fort bien, en général, distinguer immédiatement un talent type, si ce talent est en harmonie avec le goût de notre époque.Ces sortes de talents, ces êtres privilégiés, ces Etoiles (puisque tel est le mot consacré) sont rares, très rares, et depuis trente ans environ que règne la nouvelle école, il n'y a guère que quatre danseuses qui aient mérité ce titre, passablement prétentieux, mais vrai au fond, puisque comme leurs soeurs du firmament, elles ne brillent que la nuit, et filent quelquefois: ce sont Melle Taglioni (créatrice du genre nouveau), Fanny Elssler, Cerrito, et Carlotta Grisi. Melle Taglioni dansait-elle mieux que ses devancières? Non certainement, mais sa danse différait du genre qui existait alors, elle était surtout remarquable par un mélange de poésie et de simplicité, de grâce et de suavité qui frappaient tout d'abord le public, c'était en un mot un type.Les farouches critiqueront ses bras qu'elle tenait, contrairement aux autres danseuses, presque toujours baissés, ils critiqueront aussi son corps qu'elle portait plus en avant que ne le voulait l'école d'alors, mais ce sont précisément ces heureux défauts qui causeront l'immense sensation qu'elle produisit. Melle Taglioni est sans contredit la première danseuse de ce siècle qui ait inauguré un nouveau genre, et c'est à elle que l'on doit tout le changement opéré parmi les danseuses et même dans le genre de composition. La Sylphide, chef d'oeuvre poétique, suave, aérienne création, restera éternellement le type incarné de Marie Taglioni. Il faut remarquer cependant que Melle Taglioni, bien que ne s'appliquant pas si particulièrement que ses devancières à l'observation des perfections de l'école, en possédait encore plus que nos danseuses actuelles.Fanny Elssler fut la seconde apparition moderne, et bien marquée. Son genre était plus mondain, moins heureusement fantastique que celui de Taglioni. Quoique ne dansant pas aussi bien que d'autres célébrités antérieures, Fanny Elssler séduisait et entraînait et, preuve évidente que le goût du public était déjà changé, c'est que sa soeur Thérèse, qui dansait très correctement le genre école, ne produisait auprès d'elle qu'un médiocre effet.Fanny Cerrito était une reproduction de Taglioni, mais plus naïve. C'est la danseuse de la nature et de l'inspiration, la perfection du modèle animé mais avec moins d'école que les deux précédentes.Carlotta Grisi tenait une place intermédiaire entre le genre poétique de Taglioni et celui d'Elssler.Tout en rendant justice au talent de MMelles Elssler, Cerrito et Carlotta Grisi, nous croyons cependant devoir répéter que l'apparition de Taglioni fut la seule d'un genre nouveau et bien décidé. Son succès légitime et grand eut pour résultat de faire reporter toute l'attention du public sur le sujet principal du ballet. On cessa dès lors de composer des ouvrages dont l'effet reposait sur l'ensemble. L'on sacrifia tout à la mode. A l'astre du jour, à la Sylphide, modèle du genre, succédèrent bientôt une infinité de ballets, La Fille du Danube, La Fille du Feu, La Naïade etc. Il fallait alors, à toute force, une fille baptisée d'un élément quelconque ou d'un nom caractérisant le sujet principal et unique. Exécuté par une célébrité, le succès était certain.Cependant, cet engouement pour un genre nouveau, où tout était sacrifié au 1er sujet, devait amener des résultats dont on peut apprécier aujourd'hui l'importance.Dans la composition de ces ouvrages faits pour un seul nom, il fallait nécessairement éloigner tout entourage susceptible de ternir l'éclat du sujet principal: l'astre éclipsé, l'ouvrage perdait sa valeur et devenait un écueil pour les imitatrices du genre nouvellement créé, et les ballets faits pour Melle Taglioni en sont la preuve.Une circonstance décida surtout du succès de cette révolution chorégraphique. Nous voulons parler du manque de danseurs à cette époque, car l'élan donné par la plus belle moitié du genre humain ne fut pas suivi par l'autre. Excepté Perrot qui, sans avoir été un type nouveau, possédait cependant un talent spirituel fin et empreint d'originalité, le danseur tomba en désuétude complète, et le seul soutien de l'étendard de la danse masculine dut renoncer, lui aussi, à occuper une place, trop secondaire, qu'on lui réservait à côté d'Etoiles en vogue. Plusieurs maîtres de ballet de talent en firent autant lorsqu'apparut Fanny Elssler, nouvelle et heureuse consécration du genre à la mode, mais on s'occupa peu de leur absence tant que des Etoiles vinrent éblouir les spectateurs et remplir la caisse des directeurs.Les hommes persistèrent donc dans leur genre efféminé, monotone. Ayant pris le mauvais côté de l'impulsion donnée par Melle Taglioni, et abandonné le bon côté de la danse, le danseur devint désagréable et en opposition avec les sentiments de l'époque. On le supportait, on le laissait danser, à titre d'indemnité, et remplir à côté du sujet principal, des corvées mimiques ou autres, mais on ne lui pardonnait ses sauts insipides que comme comme indispensables pour laisser prendre haleine à l'étoile. Le public ne supposant pas la possibilité de faire mieux a donc eu parfaitement raison de crier "à bas le danseur". Le danseur n'ayant pas su se tracer un nouveau sillon selon le goût de l'époque, a fait fausse route, perdu l'école, et est ainsi tombé par sa propre faute dans les utilités désagréables. D'un autre côté, les maîtres de ballet de mérite se virent obligés de changer leur manière de faire. La ravissante idée de la Sylphide, que l'on attribue particulièrement à Nourrit, ayant complétement réussi, on décida de procéder à l'avenir de la même manière, c'est-à-dire que le maître de ballet reçut un programme d'un auteur, adopté par la direction, et ne fut chargé que de la partie dansante de l'ouvrage.Certes, il est très possible de réussir parfois avec ce système, surtout lorsque l'dée originale se prête à la mise en Danse, mais cependant, il est bien évident que l'imaginative du maître de ballet se trouve ainsi complétement enchaînée par la donnée du Librettiste. D'ailleurs, il arrive souvent qu'un sujet charmant à la lecture, et paraissant devoir réunir toutes les qualités d'un ballet, perd tout son attrait une fois traduit en pantomime, tandis qu'au contraire, ce qui serait très heureux en chorégraphie et produirait un véritable effet, ne peut que très imparfaitement s'expliquer dans le texte du libretto.Il est rare de bien faire comprendre les beautés d'un tableau, il faut le voir; et bien, la danse n'est autre chose que la peinture en action. La charpente entière d'un ballet doit provenir de celui qui le conçoit. Gioja, Vigano, et presque tous les grands maîtres de ballet, donnaient même jusqu'à la coupe musicale de leurs scènes et de leurs pas. Et cela s'explique, car une note, une mesure, peuvent ôter ou donner l'effet cherché; un rythme musical, plus ou moins en harmonie avec le sentiment conçu par le maître de ballet, peut rendre ou défigurer sa pensée. En un mot, le chorégraphe est un peintre et son coup de pinceau rend son idée primitive.On comprendra donc que cette nouvelle servitude, que l'on imposait à des hommes d'un mérité réel, tels que M. Aumer, Albert, etc., ait été la principale cause de leur retraite. Il fallut alors trouver de complaisants chorégraphes, ou metteurs de ballets, et ce ne fut pas la plus grande difficulté. Tant qu'il y eut des exécutants éminents pour personnifier quelques jolies idées de certains poètes renommés, les ouvrages marchèrent à pleines voiles, mais depuis, les danseuses hors ligne, comme celles que nous avons citées, ont en partie disparu de l'horizon, et nous persistons à dire qu'il n'y a plus actuellement parmi les danseuses en renommée un type de talent exceptionnel; par conséquent, le ballet, où tout est sacrifié à un seul sujet, devient impossible. Nous aurions bien à citer un fort joli essaim de talents très estimables, mais en France, comme partout ailleurs, on manque d'étoiles pour soutenir ces ballets spéciaux. On sent donc peu à peu la nécessité de revenir aux ouvrages ballets d'ensemble, et c'est là que le maître de ballet devient obligatoire, pour placer chaque artiste selon son mérite, pour joindre habilement la diversité des genres, et pour coordonner et mesurer les effets. Malheureusement, les maîtres de ballet sont pour le moins aussi rares que les étoiles. L'Italie possède encore quelques hommes de mérite, entre autres M. Cortesi et S. Taglioni, mais le genre de ces compositeurs est principalement le ballet d'action, peu apprécié de nos jours. Nous comprendrions plutôt la nécessité d'un auteur littéraire pour ce genre de ballet dont le sujet est le principal élément, et la danse, l'accessoire; car il ne faut pas se dissimuler que la pantomime ne peut rendre que le présent, et n'est supportable que lorsqu'elle est bien amenée et lorsqu'elle détermine une danse dérivant de l'action. En pantomime, on n'explique ni la passé ni le futur, et le présent même n'est bien lucide que si l'action est momentanée ou rendue compréhensible par l'andamento du sujet. A moins d'une grande révolution dans nos moeurs et nos idées, le ballet d'action ne semble donc pas appelé à se relever de sitôt, et les quelques chorégraphes et artistes adonnés à ce genre, ne sont pas ceux à qui il est réservé de régénérer l'art. En Italie même, on adopte preque généralement le ballet mixte, genre italien et français; dans les autes parties de l'Europe, où l'on se voue spécialement au ballet dansé, le véritable chorégraphe, le créateur est rare.Ce sont pour la plupart des reproducteurs qui assemblent à leur manière ce qu'ils ont vu ailleurs. Rendons cependant justice à M. Perrot, un des seuls talents réels, délicats et inventeurs.Mais comment naissent donc ces centaines de soi-disant chorégraphes qui peuplent les théâtres? Un danseur, un mime obscur, quelquefois même un simple figurant, trop nul pour trouver un engagement, se dit un jour: "j'ai vu ceci, cela, d'un côté et d'autre, soyons chorégraphe". Il assaisonne ses souvenirs incomplets de décors, de costumes, de musique et d'une danseuse aimée, puis il signe son oeuvre et le voilà chorégraphe. Est-il musicien, a-t-il des idées, du goût, en un mot les conditions nécessaires pour devenir maître de ballet? Non, il a vu, et il reproduit. Voilà comment surgit cette multitude de maîtres de ballet de notre époque, et l'on conviendra avec nous qu'il n'est pas étonnant que la danse ne progresse pas. En effet, que voyons-nous? D'un côté, de prétendues étoiles, placées tout d'abord comme premières par orgueil ou par intrigue, et qui, faute d'un talent réel, s'éclipsent comme elles apparaissent. D'un autre côté, le manque de véritables maîtres de ballet, aptes à composer et à faire ressortir les talents naissants, puis l'absence complète de mimes et comiques devenus depuis longtemps inutiles, et qui n'ayant pas été remplacés, rendent plus difficiles un bon ensemble; tout cela explique facilement la rareté des bons ballets. Avec une organisation sérieuse dans quelques conservatoires et théâtres, en sacrifiant un peu le phtisique à l'art, tout cela changerait bientôt de face, et comme la danse plaît, et plaira toujours, une amélioration immense ne se ferait pas attendre dans cet art. Tout dépend d'une bonne base et elle manque en France où il y a précisément tout ce qu'il faut pour l'établir.La danse des salons s'est aussi métamorphosée: on marche maintenant une figure en causant, et en cas de lacune dans la conversation, la figuration la comble, c'est une danse triste pendant laquelle on peut penser à autre chose. Les esprits travaillent tant de nos jours que la danse a suivi le courant, mais la joyeuse jeunesse a secoué le joug, et a créé une espèce de fantaisie semi-séria, qui je l'avoue, dussent les classiques me maudire, ne manque pas d'une certaine originalité, surtout lorsqu'elle est exécutée par nos treni modernes, Brididi, Rigolette et autres Rose Ponpon. Déjà l'on voit poindre dans les salons un diminutif de cette danse prohibée, et cependant moins choquante, que la plupart des danses du midi que l'on applaudit sur la scène. Qui sait? On verra peut-être sortir de ce caprice chorégraphique un nouveau genre caractère.Nous terminons ici nos rapides et incomplètes considérations sur l'état actuel de la danse, en faisant des voeux pour le prompt rétablissement d'institutions sérieuses, seul moyen de régénérer le ballet, et dont surgiront au moins de véritables chorégraphes.FIN
Thursday, August 30, 2007
Namouna: ballet de Charles Nuitter et Lucien Petipa, musique d'Edouard Lalo (1882)
Lifar n'a rien inventé, la "Cigarette" existait déjà... ...dans le ballet Namouna, chorégraphié en 1882 par Lucien Petipa à partir d'un livret de Charles Nuitter inspiré du célèbre poème d'Alfred de Musset et sur une musique signée Edouard Lalo composée spécifiquement pour la danse!En voici la distribution d'origine, avec notamment Rita Sangalli et Louis Mérante dans les rôles principaux, et le livret d'inspiration orientaliste, conformément à l'imaginaire et à l'esthétique régissant le long poème narratif de Musset: En 1908, Léo Staats remonta pour l'Opéra de Paris Namouna avec Carlotta Zambelli et lui-même dans les rôles-titre.Puis vint Serge Lifar qui créa Suite en blanc en 1943. La dimension narrative disparut au profit d'un ballet abstrait, pure démonstration de virtuosité, mais gardant dans les intitulés des variations le "caractère" propre au ballet d'origine.Le ballet: Les 19 et 20 juin 1943, une formation réduite du Ballet de l’Opéra présentait en Suisse un divertissement sur une musique de Chopin, regroupant Suite de danses d’Ivan Clustine, revue par Albert Aveline et Les Sylphides de Michel Fokine. Serge Lifar baptisa alors la soirée « Suite en blanc », titre qu’il reprit quelques jours plus tard pour le ballet qu’il venait de régler sur les extraits de Namouna d’Edouard Lalo. Le ballet Suite en blanc fut remonté par Lifar au Nouveau Ballet de Monte-Carlo en 1947, sous le titre Noir et Blanc.« Suite en blanc est une véritable parade technique, un bilan de l’évolution de la danse académique depuis quelques années, une facture présentée à l’avenir par le chorégraphe d’aujourd’hui. […]En composant Suite en blanc, je ne me suis préoccupé que de danse pure, indépendamment de toute autre considération. J’ai voulu créer de belles visions, des visions qui n’aient rien d’artificiel, de cérébral. Il en est résulté une succession de véritables petites études techniques, de raccourcis chorégraphiques indépendants les uns des autres, apparentés entre eux par un même style néo-classique. » Serge Lifar, Le Livre de la danse, 1954La musique:« Certains m’ont reproché d’avoir "impitoyablement tailladé" la partition d’Edouard Lalo pour Namouna, ou bien d’avoir réglé des "danses pures" sur une musique "orientale". A l’exclusion de quelques numéros - qui d’ailleurs ne figurent pas dans cette version -, le caractère oriental de la musique de Lalo est pour le moins discutable, tandis que son aspect foncièrement dansant ne saurait être mis en doute. Voilà une belle, une très belle musique et une musique nettement "chorégraphique". Primitivement, en 1882, Namouna était un grand ballet en deux actes et trois tableaux, sur un livret de Nuitter et de Lucien Petipa. […]Namouna n’eut pas un grand succès et sa carrière s’est arrêtée à seize représentations. Elle fut reprise en 1908 dans une belle interprétation, ayant en tête Mlle Zambelli et M. Léo Staats. Mais malgré le succès de Mlle Zambelli, notamment dans le pas de la Cigarette, où elle imitait les volutes de la fumée, elle ne se maintint pas.La musique d’Edouard Lalo a été élaguée au moment où, en 1935, M. Léo Staats réglait un divertissement pour le Corps de Ballet de l’Opéra se rendant à Florence.C’est dans cette version simplifiée que la partition me fut confiée pour y régler une chorégraphie nouvelle. Seuls les fragments les plus beaux étaient conservés, généralement sans transition, et constituaient une véritable suite de numéros dansants, soli, pas de deux, pas de trois… La question ne se posait même pas de leur imposer une action, de les relier entre eux par un fil littéraire. » Serge Lifar, Comoedia, juillet 1943 (texte extrait du site de l'Opéra de Paris)Interprètes de la création: Lycette Darsonval, Solange Schwarz, Yvette Chauviré, Micheline Bardin, Marianne Ivanov, Paulette Dynalix, Serge Lifar, Roger Fenonjois, Roger RitzStructure: Ballet sans thème composé d'une suite de dix études chorégraphiques sans lien d'action, dansé par un ou plusieurs solistes et le corps de ballet. 1) La Sieste (trois demi-solistes)2) Pas de Trois - Thème varié (trois solistes)3) La Sérénade (une étoile)4) Pas de cinq (une étoile et quatre garçons)5) La Cigarette (une étoile)6) La Mazurka (un danseur étoile)7) Pas de deux - l'Adage (deux étoiles)8) La Flûte (une étoile)9) Finale - le Manège et les Fouettés (ensemble)Costumes et décors: le classique tutu blanc pour les femmes et le collant et la chemise blanche pour les hommes; la scène est totalement dépouillée et comporte au fond deux rampes latérales menant à un praticable sur lequel se place une partie du corps de ballet pendant les évolutions des solistes. Merci à Mad!!!
Friday, August 17, 2007
De l'état actuel de la danse, par Arthur Saint-Léon (III)
DE L'ETAT ACTUEL DE LA DANSEpar A.M. SAINT-LEONPremier Maître de Ballet de l'Opéra de ParisProfesseur de l'Ecole de PerfectionnementLisbonne - Typographie du ProgressoAvril 1856Portrait d'Arthur Saint-Léon, 1845 (BNF) 3ème PARTIE:Organisation des corps de balletNous croyons avoir suffisamment démontré dans la seconde partie de notre travail la nécessité pour les Théâtres qui attachent de l'importance à la danse, d'avoir un corps de ballet, dans la véritable acception du mot; nous avons encore cité, comme possédant en ce genre les meilleurs ensembles, Milan, Saint-Pétersbourg, Varsovie et Berlin, qui malgré leur supériorité sont encore loin d'atteindre la perfection linéaire. Tous ceux qui ont été à même de voir les quarante petites Viennoises, sous la direction de Mme Weiss, se souviennent de cet ensemble prodigieux, de cette rectitude parfaite qui ont justifié les applaudissements de l'Europe, assistant aux évolutions chorégraphiques de ces petits bataillons, si bien disciplinés, et dont la précision était si remarquable qu'on aurait cru que les quarante danseuses n'en faisaient qu'une.Le succès de ce corps de ballet n'était dû ni à l'intérêt tout naturel qu'inspiraient ces enfants, ni à l'exécution de leur pas (puisque la plupart d'entre elles savaient à peine danser), mais bien à l'harmonie de leurs figurations et à l'ensemble prodigieux de leurs mouvements.Cette admiration obtenue par des danseuses au biberon, on l'accorderait sans aucun doute à un ensemble bien formé de jeunes femmes et de jeunes gens, puisque les corps de ballet, cette partie indispensable d'un ouvrage chorégraphique, viendraient alors augmenter l'attrait qu'offrent les 1ers sujets, les décors et la mise en scène.Les compositeurs y trouveraient de nouveaux et puissants effets et le public un charme et une variété qui n'existent pas.En général, les ensembles des ballets actuels sont dérisoires, comparés à ceux des petites Viennoises et même aux ensembles d'un certain M. Horschelt, Maître de Ballet à Munich, qui fut un des premiers à faire des ballets d'enfants.L'anarchie la plus complète règne généralement dans tout ce qui est exécution d'un pas d'ensemble, si bien que de nos jours l'attention du public est rarement fixée par un compositeur de ce genre. Le pas d'ensemble, fût-il bon, l'exécution en est presque toujours si peu supportable, que loin de réjouir l'oeil, il fait longueur et préjudice à l'oeuvre chorégraphique.M. Horschelt, que nous venons de citer, s'appliqua à inculquer à ses jeunes élèves, la précision des mouvements, la formation des lignes, des carrés, des ronds, des obliques par une méthode à lui; elle consiste en manoeuvres spéciales, et pour ainsi dire militaires, à l'exemple des exercices nombreux et constants qu'on impose aux troupes; ce fut la perfection étonnante obtenue dans les groupes et pas des élèves de M; Horschelt, qui donna à Mme Weiss, directrice des quarante Viennoises, l'idée de former une troupe de ce genre et de l'exploiter en empruntant à M. Horschelt presque toutes ses compositions d'un mérite incontestable.Le corps de ballet qui ne peut briller par l'exécution partielle des enchaînements doit tirer tout son charme des effets de masse et de la précision apportée dans ses figurations, espèces de manoeuvres compliquées de pas et de groupes. Comment exiger de ce corps de ballet une bonne exécution s'il ignore les devoirs de sa profession?Il faut donc établir des règles pour cette partie de la chorégraphie de même qu'elle existe pour les manoeuvres militaires, et à cette théorie joindre la pratique.Un bon soliste instrumentiste n'est pas également bon joueur de quatuors ou de musique d'ensemble; c'est une spécialité.Il en est de même pour la danse, car ce corps de ballet est à la danse ce que l'orchestre est à la musique, une question d'ensemble. Nous croyons avoir suffisamment démontré la nécessité de créer une classe de corps de ballet et de procéder à son organisation quasi militaire.Lorsqu'un élève reconnu apte à danser dans un corps de ballet sort d'une classe du Conservatoire, sait-il trouver sa place dans les lignes, sait-il former ou aider à former les différentes figurations? Non, car il se trouve dans une phase nouvelle, et d'après le système actuel d'éducation chorégraphique, il n'a aucune des connaissances nécessaires.Il faudrait donc établir un corps de ballet numéroté, immuable, avec ses chefs de file et ses guides; ce mode d'organisation présenterait divers avantages sur ce qui existe, il résoudrait une difficulté qui se retrouve presque partout et que voici:Sur cinquante personnes employées dans un corps de ballet, toutes n'ont qu'un désir, celui d'être en tête des lignes principales.Or, comme il ne peut y en avoir que deux (l'une à droite et l'autre à gauche) dont le voeu soit réalisé, et que la place d'aucune d'elles n'est fixée par un numéro d'ordre donné au mérite, il en résulte que toutes se croient le droit d'être devant, et que pour deux satisfaites, on en a quarante-huit mécontentes ou jalouses.Cette circonstance, une des mille petites misères du monde théâtral, donne lieu à des inconvénients sérieux dans l'exécution d'un ensemble. Les deux chefs de file se piquent d'honneur tandis que les quarante-huit autres attribuent à l'injustice ou à d'autres causes la place donnée aux premières, et leur mécontentement se traduit par le découragement et la nonchalance.Toutes ces difficultés, toutes ces tracasseries, tous ces dégoûts disparaîtraient immédiatement si les artistes figurants des deux sexes étaient engagés pour tel ou tel numéro de ligne et qu'ils ne dussent leur avancement qu'à l'absence de numéro précédent et à leur capacité à le remplacer. La précision d'exécution s'obtiendrait facilement si le corps de ballet était ainsi organisé; cette organisation offrirait au maître de ballet une grande facilité dans la distribution de ses masses, et bien plus de régularité dans les mouvements; et le résultat serait complet avec un corps supplémentaire de remplaçants exercés, que l'on mettrait à la place de l'absent afin de ne pas troubler l'ordre de l'ensemble.Avec le système que nous venons d'indiquer, et un travail spécial de manoeuvres linéaires, on parviendrait en peu de temps à des améliorations dans les ensembles, dont nous avons eu des preuves si évidentes; et le résultat obtenu, avec des enfants, par M. Horschelt et Mme Weiss, on l'obtiendrait bien certainement à plus forte raison avec des artistes en âge de raisonner et de comprendre.Il ne faut donc qu'adopter une méthode et la suivre avec la sévérité qui doit exister dans tout corps dont l'ensemble est la spécialité.Le traité linéaire du corps de ballet et son organisation est des plus simples. L'application qui en a été faite au Théâtre Sao Carlos à Lisbonne a pleinement justifié les avantages qui en résultent et a presque mis fin à la cacophonie chorégraphique qui existait auparavant. Ah! si la danse s'entendait, que de fausses notes viendraient déchirer le tympan de l'amateur; heureusement pour eux, mais malheureusement pour l'art, il n'en est pas ainsi; ce qui ne doit pas empêcher de chercher, par des moyens artistiques et méthodiques à améliorer cet art évidemment encore dans l'enfance, si on le compare à la musique.Le public ne sait pas toujours se rendre compte des motifs qui font qu'une chose lui produit plus d'effet qu'une autre, mais sans apprécier les moyens d'amélioration, quand il aura les résultats sous les yeux, il reconnaîtra alors que posséder de bons sujets, avec les corps de ballet existants, c'est comme nous l'avons déjà dit, avoir des solistes d'opéra avec de mauvais choristes.Heureusement ceci est plus rare et si les réformes musicales ne se sont pas en général fait attendre, c'est que le sens de l'ouïe est plus délicat, ou moins indulgent que celui de la vue.A suivre...4ème ET DERNIERE PARTIE: Du genre actuel de la danse - Des danseurs - Des danseuses - Des maîtres de ballet - De la danse de salon
Tuesday, August 14, 2007
De l'état actuel de la danse, par Arthur Saint-Léon (II)
DE L'ETAT ACTUEL DE LA DANSEpar A.M. SAINT-LEONPremier Maître de Ballet de l'Opéra de ParisProfesseur de l'Ecole de PerfectionnementLisbonne - Typographie du ProgressoAvril 1856Arthur Saint-Léon et Fanny Cerrito dans la Polka-Redowa2ème PARTIE:Des conservatoires de danseDepuis trente ans environ, les deux principaux conservatoires de musique, ceux de Paris et de Bruxelles, ont fourni d'excellents musiciens en tous genres, et si les plus grandes célébrités musicales y sont étrangères, on ne peut nier cependant que ces deux institutions n'aient été une pépinière d'artistes éminents et hors ligne, qui réunissent pour les masses, le double avantage d'une instruction complète et peu coûteuse. Le public et les directeurs ont profité de cette abondance d'artistes et ce n'est guère que dans les capitales qui jouissent d'un conservatoire, ou dans les villes voisines, que l'on remarque cette supériorité des masses orchestrales; elles sont devenues si communes, que les plus petits théâtres de Paris, les bals même, regorgent d'artistes de talent et dans ces orchestres, jadis peuplés de bons vieux à lunettes que le gaz a fait fuir, qui n'accordaient leurs instruments qu'à chaque changement de direction et criaient gare à l'ut au moindre démanchement, on voit une foule de jeunes gens intelligents dévorant tout à première vue, jouant juste et dont quelques-uns ne sont rien moins que des grands prix du conservatoire et qui se contentent d'une modeste rétribution de 50 à 60 francs par mois, pour un travail quotidien de cinq ou six heures, sans compter les répétitions. Il est donc certain que les conservatoires de musique, tout en produisant trop, ont rendu à l'art musical des services incontestables, tant par la perfection des ensembles, que par la propagation d'une bonne école; mais hélas! on n'en peut pas dire autant de la danse, qui loin de s'ouvrir la marche ascendante de la musique décline de jour en jour.Si l'une jouit du superflu, l'autre n'a pas même le nécessaire. Les corps de ballet, si l'on en exempte ceux de Saint-Pétersbourg, Varsovie, Milan, Lisbonne et Berlin, sont bien au-dessous de ce qu'ils étaient et ceux-ci même pourraient être bien supérieurs à ce qu'ils sont.De nos jours, il est plus difficile de trouver de bons figurants que de bons sujets; à la figurante on ne demande aujourd'hui que de la beauté: c'est un mérite sans doute fort recommandable au théâtre, mais dont le maître de ballet, qui a besoin de jambes, ne peut se contenter; quant au figurant, monstre humain, paria de la danse, c'est sur lui que retombent toutes les malédictions qui pleuvaient jadis sur les Israëlites. Quelle décadence! Quand on pense qu'il y a cent ans à peine, les hommes seuls étaient admis à la scène et en faisaient tous les frais. Il faut avouer aussi qu'il est généralement bien affreux, bien laid et bien vieux notre pauvre figurant, et cependant, sans être tout à fait partisan du figurant danseur, il faut reconnaître qu'il est nécessaire, indispensable même dans les masses et d'ailleurs ne peut-on l'améliorer. Affirmer le contraire n'appartient qu'aux abonnés grisonnants des stalles de l'Opéra, qui ne s'occupent que du rat du corps de ballet que le célèbre Noverre qualifiait de garde côte en raison de ses fonctions, qui consistaient à garnir le fond et les côtés de la scène.Il résulte de cela que le rat, n'étant qu'un accessoire plus ou moins joli, mais tout à fait incapable, que le figurant étant honni, méprisé et banni, le véritable corps de ballet n'existe plus, qu'il n'y a plus ni ensemble, ni ligne, ni figure, ni effets de masse. La prima ballerina transporte, enivre, enthousiasme, sans doute, mais autrefois, on la possédait aussi, et à côté d'elle le corps de ballet ne faisait pas défaut comme de nos jours. Se contenterait-on dans l'Opéra d'une seule chanteuse sans un bon entourage et sans de bons choeurs? Non sans doute. Pourquoi donc croit-on aujourd'hui qu'une jolie danseuse et qu'une vingtaine de rats ignorants suffisent aux exigences du public? Cet état de choses est malheureusement trop général. Ce n'est pas le public, tout aussi amateur qu'autrefois du bon et du beau, qu'il faut en rendre responsable: la faute remonte à la source même de l'art, c'est-à-dire à l'organisation actuelle des conservatoires de danse.Bon nombre de personnes croient qu'il n'y rien de plus facile que de danser; nous déplorons qu'il n'en soit pas ainsi et nous avons hélas! la preuve journalière du contraire. L'art de la danse est d'autant plus difficile qu'il n'a pas comme tous les autres une langue qui lui soit propre et par conséquent pas de méthodes au moyen desquelles l'élève puisse faire des études régulières, et recueillir le fruit de l'expérience des bons maîtres, qui ne laissent après eux que le souvenir ou la tradition plus ou moins exacte. La danse est donc enseignée, pour ainsi dire, par coeur, et l'élève, livré à l'habileté souvent contestable du professeur, qui démontre ce qu'il croit bon, qui a des principes à lui, toujours différents de ceux de ses collègues et qui n'a sous les yeux aucune méthode pour se guider, en sorte que loin de mettre l'élève dans la bonne voie, il l'en détourne par un travail contraire à son aptitude. Si l'on examine maintenant toutes les conditions nécessaires à un choix destiné à la danse, on rencontre plus de difficultés à trouver un sujet propre à suivre cette carrière artistique que toute autre. Outre les dispositions proprement dites, c'est-à-dire la force, le don d'imitation, la grâce naturelle, l'esprit même, il faut encore le physique, la conformation et l'oreille. ce qui influe aussi grandement sur l'élève, c'est une éducation musicale spéciale; la musique est l'âme de la danse, elle est à la danse ce que l'organe est au langage. Sans la musique ou sans un rythme quelconque, pas de danse et aucun moyen de la régler; elle doit donc entrer dans l'éducation du danseur, simultanément avec les principes de son art.La véritable école de danse n'existe pas et n'a jamais existé: rien de sérieux n'a été tenté à cet égard, et bien que nous n'ayons pas la prétention d'établir complétement, par nos observations, les bases sur lesquelles cette école pourrait être fondée, nous croyons cependant pouvoir en signaler les conditions essentielles à l'aide desquelles on obtiendrait des résultats sinon irréprochables, du moins supérieurs à ceux obtenus jusqu'à présent.Pour établir une école de ce genre, seul moyen d'empêcher la ruine de la danse et d'améliorer la position éphémère du professorat, il fallait avant tout créer une langue spéciale, figurée, écrite et remplaçant la parole; pour démontrer les différents mouvements du corps, des bras et des jambes et la durée de ces mouvements, il fallait des signes de convention et des notes, cette langue existe aujourd'hui et nous l'avons nommée la Sténo chorégraphie; elle est à la portée de tous et des essais faits sur des enfants, en ont donné la preuve; mais par elle-même, elle ne peut avoir aucune importance, si elle n'est point généralisée et adoptée dans un conservatoire central. Ce grand point obtenu, il surgira de cette adoption propagée, des règles, des méthodes, des exercices, des résumés d'expérience, et au point de vue de l'art, des garanties d'avenir pour le maître comme pour l'élève. Une des considérations les plus importantes, c'est l'état physique de l'enfant destiné à la danse: il faut donc, croyons-nous, qu'il soit soumis à un examen scrupuleux médico-chirurgical et nous insistons d'autant plus à cet égard, que trop souvent le travail corporel imposé à l'élève développe des maladies dont le germe existait, et que l'exercice rend incurables.C'est alors du temps et un avenir perdus, une existence nouvelle à se créer, et lorsque l'on a goûté de l'art, il est difficile de le quitter, même sans autre espoir que celui de la médiocrité. Que de parents peu fortunés, éblouis par le succès et l'aisance, obtenus par quelques artistes de talent, mettent leurs enfants au théâtre sans s'assurer s'ils possèdent cette condition essentielle, et plus tard, que de déceptions et d'amers regrets, quand relégué parmi les médiocrités, l'artiste, côte à côte avec le luxe et la fortune perd chaque jour tout espoir d'y arriver; bien des existences tournent alors à la débauche, à l'inconduite, écueil que des conservatoires institués par l'Etat devraient leur éviter.A ces considérations, nous croyons devoir en ajouter d'autres, qui trouvent ici leur place naturelle.Excepté à Saint-Pétersbourg et à Milan, l'élève admis au conservatoire de danse est libre d'en sortir quand bon lui semble; aucun engagement ne le retient, et cette liberté rend en quelque sorte les résultats nuls et l'institution inutile. L'élève, pressé par la nécessité, par le besoin de pourvoir à son existence, ou poussé par le désir de monter immédiatement sur les plaches, part au moment où il aurait le plus besoin de soins. A défaut de bourses fournies par le gouvernement, comme dans les conservatoires de musique, et puisqu'il y a tant de caisses philanthropiques pour les artistes, ne pourrait-on pas en établir une au profit de la dite caisse pour la danse ou distraire de celles qui existent les fonds nécessaires à l'entretien de l'élève, jusqu'à ce qu'il ait terminé son éducation chorégraphique; sauf à exiger, en retour ou pendant cette éducation, qu'il soit attaché, au profit de ladite caisse, au Théâtre de Danse, dont nous avons démontré la nécessité dans un précédent article.L'élève joindrait ainsi la pratique à la théorie, et cette pratique s'exercerait sous l'oeil du conservatoire et permettrait au professeur d'achever son oeuvre jusqu'à ce que l'élève puisse voler de ses propres ailes.Quant à l'organisation intérieure du conservatoire de danse, il y aurait d'importantes dispositions à prendres. La première, et la plus essentielle, est la création des classes au nombre de quatre:1°) Classe préparatoire - dispositions des membres (travail pour ainsi dira anatomique)2°) Classe de principes, avec adjonction à cette classe d'une leçon de solfège3°) Classe intermédiaire et de Sténochorégraphie, avec obligation pour l'élève de lire et d'écrire cette langue de la danse4°) Classe de perfectionnementChacune de ces classes suivrait, bien entendu, une méthode graduelle, maintiendrait les professeurs dans la bonne voie, et nous sommes convaincus qu'en quelques années, on obtiendrait des sujets et des ensembles dignes d'un art, qui n'a jamais été enseigné aussi sérieusement qu'il mérite de l'être.Le célèbre Saphir disait: "La danse ne souffre pas la médiocrité, c'est idéalement beau, ou plus bas que le tréteau." Cet axiome est des plus justes, mais pour en justifier la 1ère partie, il faut avant tout cultiver la racine de cet art et faciliter à ceux qui s'y vouent le moyen d'arriver, sinon à la perfection, du moins à être autre chose que des sauteurs.A suivre...3ème PARTIE: Organisation des corps de ballet
Monday, August 13, 2007
De l'état actuel de la danse, par Arthur Saint-Léon (I)
DE L'ETAT ACTUEL DE LA DANSEpar A.M. SAINT-LEONPremier Maître de Ballet de l'Opéra de ParisProfesseur de l'Ecole de PerfectionnementLisbonne - Typographie du ProgressoAvril 1856Arthur Saint-Léon dans Le Lutin de la Vallée, gravure de Faivre (1853)1ère PARTIE:Des privilèges des théâtres de danse à ParisParis, la ville par excellence des beaux-arts et surtout de l'art dramatique, compte actuellement 17 principaux théâtres, qui jouent: le grand opéra, l'opéra italien, l'opéra comique, la tragédie, la comédie, le drame, le vaudeville et la féerie.Si l'on ajoute à ce nombre, les cirques, les théâtres de la banlieue, divers petits théâtres sans spécialité, on arrive à un total de 24 salles de spectacle; cela représente une moyenne de six théâtres pour chaque genre.A une époque où le public sent si vivement le besoin de distraction et de diversité dans les distractions, ne serait-ce pas aussi utile qu'avantageux de varier les éléments d'exploitation dans le genre adopté par chaque théâtre, et d'éviter ainsi la trop grande concurrence en stimulant la curiosité publique? Ce stimulant, cette diversité, on la trouverait facilement, croyons-nous, dans le ballet; et cependant, Paris, le berceau de la danse, art qui emprunte tous ses charmes au bon goût, à l'esprit, à la grâce, au physique; Paris où l'on rencontre plus que partout ailleurs la réunion de ces qualités, refuse à la danse, cette branche si importante des beaux-arts, les moyens de se produire ou de se perfectionner par la rivalité, et sur ces 24 théâtres, un seul, le Grand-Opéra, possède un ballet régulier.Un privilège pour ce genre est bien accordé à la Porte Saint Martin, mais ce théâtre se contente d'en jouir tacitement sans l'exploiter, ou du moins ne l'exploite que rarement et toujours accessoirement. C'est en vain que quelques directeurs ont sollicité un privilège de ballet dans la véritable acception du mot, la seule concession faite jusqu'à ce jour, c'est l'autorisation d'introduire dans les ouvrages représentés un divertissement, spectacle chorégraphique stérile, dénué d'intérêt, monotone et qui est à la danse ce que le concert est à l'opéra, et Dieu nous préserve du concert; parfois encore, on accorde l'adjonction à la pièce d'un ou deux personnages dansants, mais toutes ces concessions, difficiles à arracher sont loin de pouvoir être considérées comme une protection accordée à la danse.Pourquoi donc cet ostracisme chorégraphique?Pourquoi donc ce mépris inconcevable? La Porte Saint Martin a-t-elle donc oublié les recettes formidables et durables que lui rapportaient il y a 25 ou 30 ans les ballets de Dauberval, Henri, Blache, etc.Ce théâtre ne se souvient-il plus d'avoir été jadis la riche pépinière où le Grand-Opéra même choisissait à coup sûr et de visu d'excellents sujets, qu'il est aujourd'hui réduit à engager sur la foi des on dit et de soumettre à une épreuve douteuse? Enfin le ballet ne s'adresse-t-il donc pas à toutes les classes de la société, n'est-il donc pas aussi bien compris par la généralité du public que par celui de l'Académie Impériale? A cette dernière question nous croyons pouvoir répondre affirmativement et victorieusement en rappelant à nos lecteurs avec quel religieux silence le ballet est écouté; et cette observation, on a pu la faire non seulement en France mais à l'étranger, où le murmure incessant des conversations particulières cesse seulement à l'air de bravoure de la prima donna ou du ténor, ou pendant la danse.Si de Paris nous jetons les yeux sur les théâtres de province, le mal qui ressort de l'état actuel de la danse dans la capitale s'y fait aussi vivement sentir.Toutes nos grandes villes possèdent, ou plutôt possédaient un corps de ballet; aujourd'hui, ce corps devient presque inutile et tend à se réduire presque partout, au grand détriment de l'art et des artistes: ici ce n'est plus qu'un simple divertissement, là moins encore, un couple ou deux de danseurs. Cette réduction forcée, cette décadence si différente de la grandeur passée du ballet à Bordeaux, Lyon, Marseille, provient évidemment de la pénurie des ballets représentés à Paris et du genre de ceux que l'on y joue.Les théâtres de province limités dans leur budget, ne peuvent pas, comme l'Académie Impériale, faire de grandes dépenses; et l'on conviendra avec nous que le plus grand mérite des ballets modernes est la mise en scène, la pompe, les décors, les costumes. Quant à leur valeur chorégraphique, ils sont loin de valoir, Giselle, La Sylphide, Gypsy, la Fille Mal Gardée, le Diable à Quatre et tant d'autres; il a donc fallu relever la monotonie de ces pantomimes par un luxe immense, qui ne peut compenser la pauvreté intrinsèque du ballet et n'est point à la portée des directeurs de province; nous admettons que le cadre est indispensable au tableau, mais il faut le tableau , et par conséquent le peintre. Il résulte de ce qui précède, que la province ne peut que rarement reproduire les ballets nouveaux de l'Académie Impériale. Peut-être trouverait-elle à s'alimenter s'il existait à Paris un ou deux théâtres où la danse fut sérieusement représentée, mais l'arrêt fatal a été prononcé sur les privilèges du ballet.Admettons maintenant que le budget de quelques villes de province permette de représenter les ballets de l'Académie Impériale; l'élément est insuffisant, puisque c'est à grand peine qu'à ce théâtre on représente un ballet par an, et cela n'est pas suffisant pour satisfaire les exigences d'un public de province qui ne se renouvelle pas.Les directeurs de province se trouvent donc dans l'obligation d'avoir recours à des créations locales d'un mérite douteux, qui peuvent augmenter leur répertoire mais l'enrichissent rarement. Il ne faut donc pas s'étonner de l'état dans lequel se trouvent sous le rapport de la danse la plupart de nos grandes villes et de l'abstinence chorégraphique des autres.Revenons à Paris; un seul théâtre, nous l'avons dit, jouit et exploite sérieusement le privilège de la danse, l'Académie Impériale; or, ne peut-il pas arriver que le goût, l'antipathie, ou ce qui s'est vu, l'absolutisme d'un directeur, mû par des motifs étrangers à l'art, influent sur les plaisirs du public en le privant soit d'un genre, soit d'un artiste, qu'on ne lui aura pas permis d'apprécier.On a si bien reconnu la possibilité d'un abus pour le genre Opéra-Comique, que malgré les réclamations des intéressés, un nouveau privilège a été accordé et s'exploite aujourd'hui sous le nom de théâtre lyrique, seul refuge des auteurs et artistes qui ne pouvaient trouver asile à la Salle Favart. Pourquoi donc refuser d'étendre cette protection à la danse, illustrée en France par les noms de Noverre, Dauberval, Vestris (fils), Paul, Aumer, Albert, Perrot, Mmes Sallé, Guimard, Chameroy, Montessu et tant d'autres? Cela ne pourrait en rien nuire aux deux privilèges existants, puisque l'Académie Impériale n'est plus une entreprise particulière et que la Porte Saint Martin n'use pas de son droit.Cette mesure serait à la fois philartistique et agréable au public. Ajoutons à la considération qu'en raison du proverbe si vrai surtout pour la France: "nul n'est prophète en son pays", l'artiste étranger trouve bien plus de facilité à se faire admettre que l'artiste national, qu'il est recherché et à juste titre s'il a du mérite, mais qu'en définitive, il occupe une place que l'insuffisance actuelle des artistes français ne peut lui disputer. Or, c'est précisément à cette insuffisance, causée surtout par l'impossibilité de se produire autre part qu'à l'Opéra, que nous cherchons un remède.Autrefois, les théâtres étrangers s'arrachaient les danseurs français; en Italie, la "coppia francese" était de nécessité absolue; les temps sont changés! et c'est nous aujourd'hui qui payons à prix d'or les danseuses étrangères. La raison de ce chassé-croisé, assez humiliant pour notre amour-propre national, est tout entière, il faut bien le dire, dans notre infériorité, et cette infériorité repose en grande partie sur les observations qui précèdent et aussi sur des raisons artistiques qui trouveront place dans la société de notre article.Nous pensons donc et peut-être le lecteur sera-t-il de notre avis, qu'aucune considération sérieuse ne devrait s'opposer à l'extension des privilèges de danse, que sans nuire à ceux existant, les théâtres y trouveraient une source de recettes nouvelles et fécondes, les artistes de la danse un nouveau stimulant, les maîtres de ballet le moyen de faire, comme les compositeurs de musique, apprécier leurs oeuvres à Paris, seule ville qui donne la réputation.Puissent les véritables amis des beaux arts, et ceux auxquels il est donné de les protéger, entendre notre voix, et nous verrons bientôt ces privilèges indispensables, et peut-être même le Théâtre Chorégraphique.A suivre...2ème PARTIE: Des Conservatoires de Danse
Saturday, August 11, 2007
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