Friday, June 29, 2007
"La Princesse endormie" de Diaghilev et des Ballets russes (1921)
Première: novembre 1921, Londres, théâtre de l'Alhambra. Costumes de Bakst (ici Carabosse) De 1890 à 1949: La Belle au bois dormant est un ballet narratif chorégraphié par Marius Petipa en 1890 sur la musique de Tchaïkovsky. Le livret du ballet de Petipa s'appuie sur le conte de Charles Perrault écrit au XVIIème siècle et comporte quatre parties: un prologue et trois actes. Le 15 janvier 1890 eut lieu au théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg la première de La Belle au bois dormant dans la distribution suivante: Carlotta Brianza dans le rôle d'Aurore, Marie Petipa dans celui de la Fée des Lilas, Pavel Gerdt dans celui du Prince Désiré et Enrico Cecchetti dans le double rôle de Carabosse et de l'Oiseau bleu. Quelques photos et documents de la production originelle de 1890: ProgrammeDécor de 1890, Matvei ChichkovDistribution de 1890Aurore et la Prince: Carlotta Brianza et Pavel Gerdt Le défilé des contes de Perrault: "Le Petit Poucet" à gauche: une fée, à droite: la Fée des Lilas (Marie Petipa)Acte III: l'apothéoseEn 1899, le ballet de Petipa fut présenté à Moscou au théâtre Bolchoï dans la chorégraphie profondément remaniée d'Alexandre Gorski.Les Ballets russes de Serge de Diaghilev s'emparèrent ensuite du ballet. Lors de la tournée parisienne au théâtre du Châtelet en 1909, Vaslav Nijinsky et Tamara Karsavina dansèrent le pas de deux de l'Oiseau bleu. En 1911, ce fut Nijinsky encore aux côtés cette fois de Mathilde Kchessinskaïa qui dansèrent le pas de deux du troisième acte à Londres, tandis qu'Anna Pavlova et Alexandre Volinine présentèrent des extraits du ballet à New-York en 1916.Les Ballets russes finirent par remonter l'intégralité de La Belle au bois dormant sous le titre de La Princesse Endormie (The Sleeping Princess). La première eut lieu à Londres au Théâtre de l'Alhambra le 2 novembre 1921. C'était la première fois que la version intégrale de ce ballet était dansée hors de Russie. La chorégraphie de Petipa avait été conservée dans la notation Stepanov et reconstituée par Nicolas Sergueev, le régisseur du Théâtre Mariinski qui, en fuyant la Révolution de 1917, avait emporté avec lui ses carnets de notes. Certains pas nouveaux étaient réglés par Bronislava Nijinska. Une partie du ballet, en l'occurrence la variation d'Aurore (la vision) de l'acte II, l'entracte symphonique (le Panorama) à la fin de ce même acte (dont le matériel musical parvenu en Europe ne comportait que la partition pour piano) étaient réorchestrés par Igor Stravinsky. Deux numéros de l'acte III étaient supprimés et remplacés par les danses arabe et chinoise de Casse-Noisette. Les décors et les costumes, somptueux, étaient signés de Léon Bakst. Quant à la distribution, elle était la suivante: Olga Spessivtzeva dans le rôle d'Aurore, Lydia Lopoukova dans celui de la Fée des Lilas, Felia Doubrovska, Lydia Sokolova, Bronislava Nijinska, Lubov Egorova et Vera Nemtchinova dans ceux des Fées, tandis que Carlotta Brianza, l'Aurore de la création, interprétait le rôle de la Fée Carabosse. Le ballet ne parvint pas à conquérir le public londonien et après 105 représentations et des pertes financières considérables, le ballet cessa d'être programmé. Les décors et les costumes furent saisis. La tournée parisienne prévue fut annulée et La Princesse Endormie ne fut plus jamais représentée. Programme de l'AlhambraCependant en 1922, Diaghilev présenta à l'Opéra de Paris un divertissement en un acte composé d'extraits de La Belle au bois dormant: Le Mariage d'Aurore. Le décor était d'Alexandre Benois, les costumes de Benois et Natalia Gontcharova. Les danseurs étaient Véra Trefilova et Pierre Vladimirov. C'est de ce divertissement dont Serge Lifar se servit pour présenter en 1932 à l'Opéra de Paris une nouvelle version du troisième acte de La Belle au bois dormant sous le titre de Divertissement. Ce ballet conservait quelques éléments de la chorégraphie originale: l'Oiseau bleu et le pas de deux final. Cette version sera remaniée en 1948 et Yvette Chauviré y interprétera alors le rôle d'Aurore.La Princesse Aurore ne se réveilla vraiment qu'en 1939, du moins dans la chorégraphie originale de Petipa. Ninette de Valois, la fondatrice du Royal Ballet, était une ancienne soliste des Ballets russes de Diaghilev qu'elle avait quittés en 1926 pour créer sa propre troupe, le Vic-Wells. Celle-ci commença par monter une production en deux actes du "Sortilège" et du "Mariage". C'est Nicolas Sergueev qui dirigeait les répétitions. Les costumes étaient signés Nadia Benois et c'est Margot Fonteyn et Robert Helpmann qui interprétaient les rôles principaux. Le Vic-Wells devint quelques années plus tard le Ballet du Sadler's Wells. Et au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, la première production présentée à Covent Garden fut justement La Belle au bois dormant dans sa version intégrale montée par le Ballet du Sadler's Wells. Ce fut à cette occasion que la compagnie dansa pour la première fois sous l'appellation du "Royal Ballet". La production de Ninette de Valois, réglée par Sergueev, s'appuyait sur le ballet original de Petipa et comportait des ajouts signés Frederick Ashton et Ninette de Valois et les décors et costumes d'Oliver Messel. Cette version du ballet de Petipa fut présentée à New-York le 9 octobre 1949 et fut un triomphe pour Margot Fonteyn qui dansait le rôle-titre.La Belle au bois dormant a eu une énorme influence sur le monde du ballet classique. C'est le premier ballet que vit Anna Pavlova à l'âge de huit ans et c'est ce ballet qui lui donna l'envie de devenir danseuse. George Balanchine monta sur scène pour la première fois en petit Cupidon dans ce même ballet, il était alors élève de l'Ecole du Ballet Impérial: "Je me trouvais dans une cage dorée. Et tout s'ouvrit soudain! La foule, un public élégant. Et le Théâtre Mariinsky tout illuminé de bleu et or. L'orchestre commença alors à jouer. J'étais dans ma cage dans un état extatique, prenant du plaisir à l'écoute de la musique, à la vue du théâtre et au fait que je me trouvais sur scène. Grâce à La Belle au bois dormant , je suis tombé amoureux du ballet." ("Conversations avec Georges Balanchine - Variations sur Tchaïkovski", Solomon Volkov)Dessins et photos des costumes de la production des Ballets russes de 1921: DécorCarabosseSuite de CarabosseFairy CarnationLa Reine et ses pagesGarde royalCostumes de suivantes Costume du Prince AnglaisLe Prince Désiré et la Princesse La ComtesseCostume de l'Oiseau bleu Le Chat Botté et le Loup Harlequin et Colombine Barbe-Bleue
Thursday, June 14, 2007
Des belles endormies...
http://expositions.bnf.fr/contes/index.htmhttp://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Charles_Perrault La Belle au bois dormant - Charles Perrault Il était une fois un roi et une reine qui étaient si fâchés de n'avoir point d'enfants, si fâchés qu'on ne saurait dire. Ils allèrent à toutes les eaux du monde, voeux, pèlerinages, menues dévotions; tout fut mis en oeuvre, et rien n'y faisait. Enfin pourtant la reine devint grosse, et accoucha d'une fille: on fit un beau baptême; on donna pour marraines à la petite princesse toutes les fées qu'on pût trouver dans le pays (il s'en trouva sept), afin que chacune d'elles lui faisant un don, comme c'était la coutume des fées en ce temps-là, la princesse eût par ce moyen toutes les perfections imaginables. Après les cérémonies du baptême toute la compagnie revint au palais du roi, où il y avait un grand festin pour les fées. On mit devant chacune d'elles un couvert magnifique, avec un étui d'or massif, où il y avait une cuiller, une fourchette, et un couteau de fin or, garni de diamants et de rubis. Mais comme chacun prenait sa place à table. On vit entrer une vieille fée qu'on n'avait point priée parce qu'il y avait plus de cinquante ans qu'elle n'était sortie d'une tour et qu'on la croyait morte, ou enchantée. Le roi lui fit donner un couvert, mais il n'y eut pas moyen de lui donner un étui d'or massif, comme aux autres, parce que l'on n'en avait fait faire que sept pour les sept fées. La vieille crut qu'on la méprisait, et grommela quelques menaces entre ses dents. Une des jeunes fées qui se trouva auprès d'elle l'entendit, et jugeant qu'elle pourrait donner quelque fâcheux don à la petite princesse, alla, dès qu'on fut sorti de table, se cacher derrière la tapisserie, afin de parler la dernière, et de pouvoir réparer autant qu'il lui serait possible le mal que la vieille aurait fait. Cependant les fées commencèrent à faire leurs dons à la princesse. La plus jeune lui donna pour don qu'elle serait la plus belle du monde, celle d'après qu'elle aurait de l'esprit comme un ange, la troisième qu'elle aurait une grâce admirable à tout ce qu'elle ferait, la quatrième qu'elle danserait parfaitement bien, la cinquième qu'elle chanterait comme un rossignol, et la sixième qu'elle jouerait de toutes sortes d'instruments à la perfection. Le rang de la vieille fée étant venu, elle dit en branlant la tête, encore plus de dépit que de vieillesse, que la princesse se percerait la main d'un fuseau, et qu'elle en mourrait. Ce terrible don fit frémir toute la compagnie, et il n'y eut personne qui ne pleurât. Dans ce moment la jeune fée sortit de derrière la tapisserie, et dit tout haut ces paroles: «Rassurez-vous, roi et reine, votre fille n'en mourra pas: il est vrai que je n'ai pas assez de puissance pour défaire entièrement ce que mon ancienne a fait. La princesse se percera la main d'un fuseau; mais au lieu d'en mourir, elle tombera seulement dans un profond sommeil qui durera cent ans, au bout desquels le fils d'un roi viendra la réveiller.» Le roi, pour tâcher d'éviter le malheur annoncé par la vieille, fit publier aussitôt un édit, par lequel il défendait à tous de filer au fuseau, ni d'avoir des fuseaux chez soi sous peine de mort. Au bout de quinze ou seize ans, le roi et la reine étant allés à une de leurs maisons de plaisance, il arriva que la jeune princesse courant un jour dans le château, et montant de chambre en chambre, alla jusqu'au haut d'un donjon dans un petit galetas, où une bonne vieille était seule à filer sa quenouille. Cette bonne femme n'avait point entendu parler des défenses que le roi avait faites de filer au fuseau. «Que faites-vous là, ma bonne femme? dit la princesse. - Je file, ma belle enfant, lui répondit la vieille qui ne la connaissait pas. - Ha! que cela est joli, reprit la princesse, comment faites-vous? Donnez-moi que je voie si j'en ferais bien autant.» Elle n'eut pas plus tôt pris le fuseau, que comme elle était fort vive, un peu étourdie, et que d'ailleurs l'arrêt des fées l'ordonnait ainsi, elle s'en perça la main, et tomba évanouie. La bonne vieille, bien embarrassée, crie au secours: on vient de tous côtés, on jette de l'eau au visage de la princesse, on la délace, on lui frappe dans les mains, on lui frotte les tempes avec de l'eau de la reine de Hongrie; mais rien ne la faisait revenir. Alors le roi, qui était monté au bruit, se souvint de la prédiction des fées, et jugeant bien qu'il fallait que cela arrivât, puisque les fées l'avaient dit, fit mettre la princesse dans le plus bel appartement du palais, sur un lit en broderie d'or et d'argent. On eût dit d'un ange, tant elle était belle; car son évanouissement n'avait pas ôté les couleurs vives de son teint: ses joues étaient incarnates, et ses lèvres comme du corail; elle avait seulement les yeux fermés, mais on l'entendait respirer doucement, ce qui montrait bien qu'elle n'était pas morte. Le roi ordonna qu'on la laissât dormir, jusqu'à ce que son heure de se réveiller fût venue. La bonne fée qui lui avait sauvé la vie, en la condamnant à dormir cent ans, était dans le royaume de Mataquin, à douze mille lieues de là, lorsque l'accident arriva à la princesse; mais elle en fut avertie en un instant par un petit nain, qui avait des bottes de sept lieues (c'était des bottes avec lesquelles on faisait sept lieues d'une seule enjambée). La fée partit aussitôt, et on la vit au bout d'une heure arriver dans un chariot tout de feu, traîné par des dragons. Le roi lui alla présenter la main à la descente du chariot. Elle approuva tout ce qu'il avait fait; mais comme elle était grandement prévoyante, elle pensa que quand la princesse viendrait à se réveiller, elle serait bien embarrassée toute seule dans ce vieux château. Voici ce qu'elle fit: elle toucha de sa baguette tout ce qui était dans ce château (hors le roi et la reine), gouvernantes, filles d'honneur, femmes de chambre, gentilshommes, officiers, maîtres d'hôtel, cuisiniers, marmitons, galopins, gardes, suisses, pages, valets de pied; elle toucha aussi tous les chevaux qui étaient dans les écuries, avec les palefreniers, les gros mâtins de basse-cour, et Pouffe, la petite chienne de la princesse, qui était auprès d'elle sur son lit. Dès qu'elle les eut touchés, ils s'endormirent tous, pour ne se réveiller qu'en même temps que leur maîtresse, afin d'être tout prêts à la servir quand elle en aurait besoin: les broches mêmes qui étaient au feu toutes pleines de perdrix et de faisans s'endormirent, et le feu aussi. Tout cela se fit en un moment; les fées n'étaient pas longues à leur besogne. Alors le roi et la reine, après avoir embrassé leur chère enfant sans qu'elle s'éveillât, sortirent du château, et firent publier des défenses à qui que ce soit d'en approcher. Ces défenses n'étaient pas nécessaires, car il crût dans un quart d'heure tout autour du parc une si grande quantité de grands arbres et de petits, de ronces et d'épines entrelacées les unes dans les autres, que bête ni homme n'y aurait pu passer: en sorte qu'on ne voyait plus que le haut des tours du château, encore n'était-ce que de bien loin. On ne douta point que la fée n'eût encore fait là un tour de son métier, afin que la princesse, pendant qu'elle dormirait, n'eût rien à craindre des curieux.Au bout de cent ans, le fils du roi qui régnait alors, et qui était d'une autre famille que la princesse endormie, étant allé à la chasse de ce côté-là, demanda ce que c'était que ces tours qu'il voyait au-dessus d'un grand bois fort épais; chacun lui répondit selon qu'il en avait ouï parler. Les uns disaient que c'était un vieux château où il revenait des esprits; les autres que tous les sorciers de la contrée y faisaient leur sabbat. La plus commune opinion était qu'un ogre y demeurait, et que là il emportait tous les enfants qu'il pouvait attraper, pour pouvoir les manger à son aise, et sans qu'on le pût suivre, ayant seul le pouvoir de se faire un passage au travers du bois. Le Prince ne savait qu'en croire, lorsqu'un vieux paysan prit la parole, et lui dit: «Mon prince, il y a plus de cinquante ans que j'ai entendu dire de mon père qu'il y avait dans ce château une princesse, la plus belle du monde; qu'elle devait y dormir cent ans, et qu'elle serait réveillée par le fils d'un roi, à qui elle était réservée.» Le jeune prince à ce discours se sentit tout de feu; il crut sans hésiter qu'il mettrait fin à une si belle aventure; et poussé par l'amour et par la gloire, il résolut de voir sur-le-champ ce qu'il en était. À peine s'avança-t-il vers le bois, que tous ces grands arbres, ces ronces et ces épines s'écartèrent d'eux-mêmes pour le laisser passer: il marche vers le château qu'il voyait au bout d'une grande avenue où il entra, et ce qui le surprit un peu, il vit que personne de ses gens ne l'avait pu suivre, parce que les arbres s'étaient rapprochés dès qu'il avait été passé. Il continuea donc son chemin: un prince jeune et amoureux est toujours vaillant. Il entra dans une grande avant-cour où tout ce qu'il vit d'abord était capable de le glacer de crainte: c'était un silence affreux, l'image de la mort s'y présentait partout, et ce n'était que des corps étendus d'hommes et d'animaux, qui paraissaient morts. Il reconnut pourtant bien au nez bourgeonné et à la face vermeille des Suisses qu'ils n'étaient qu'endormis, et leurs tasses, où il y avait encore quelques gouttes de vin, montraient assez qu'ils s'étaient endormis en buvant. Il passe une grande cour pavée de marbre, il monte l'escalier, il entre dans la salle des gardes qui étaient rangés en haie, l'arme sur l'épaule, et ronflants de leur mieux. Il traverse plusieurs chambres pleines de gentilshommes et de dames, dormant tous, les uns debout, les autres assis; il entre dans une chambre toute dorée, et il vit sur un lit, dont les rideaux étaient ouverts de tous côtés, le plus beau spectacle qu'il eût jamais vu: une princesse qui paraissait avoir quinze ou seize ans, et dont l'éclat resplendissant avait quelque chose de lumineux et de divin. Il s'approcha en tremblant et en admirant, et se mit à genoux auprès d'elle. Alors comme la fin de l'enchantement était venue, la princesse s'éveilla; et le regardant avec des yeux plus tendres qu'une première vue ne semblait le permettre: «Est-ce vous, mon prince? Lui dit-elle, vous vous êtes bien fait attendre.» Le prince, charmé de ces paroles, et plus encore de la manière dont elles étaient dites, ne savait comment lui témoigner sa joie et sa reconnaissance; il l'assura qu'il l'aimait plus que lui-même. Ses discours furent mal rangés, ils en plurent davantage: peu d'éloquence, beaucoup d'amour. Il était plus embarrassé qu'elle, et l'on ne doit pas s'en étonner; elle avait eu le temps de songer à ce qu'elle aurait à lui dire, car il y a apparence (l'histoire n'en dit pourtant rien) que la bonne fée, pendant un si long sommeil, lui avait procuré le plaisir des songes agréables. Enfin il y avait quatre heures qu'ils se parlaient, et ils ne s'étaient pas encore dit la moitié des choses qu'ils avaient à se dire.Cependant tout le palais s'était réveillé avec la princesse; chacun songeait à faire sa charge, et comme ils n'étaient pas tous amoureux, ils mouraient de faim; la dame d'honneur, pressée comme les autres, s'impatienta, et dit tout haut à la princesse que la viande était servie. Le prince aida la princesse à se lever; elle était tout habillée et fort magnifiquement; mais il se garda bien de lui dire qu'elle était habillée comme ma grand-mère, et qu'elle avait un collet monté: elle n'en était pas moins belle. Ils passèrent dans un salon de miroirs, et y soupèrent, servis par les officiers de la princesse; les violons et les hautbois jouèrent de vieilles pièces, mais excellentes, quoiqu'il y eût près de cent ans qu'on ne les jouât plus; et après souper, sans perdre de temps, le grand aumônier les maria dans la chapelle du château, et la dame d'honneur leur tira le rideau: ils dormirent peu, la princesse n'en avait pas grand besoin, et le prince la quitta dès le matin pour retourner à la ville, où son père devait être en peine de lui. Le prince lui dit qu'en chassant il s'était perdu dans la forêt, et qu'il avait couché dans la hutte d'un charbonnier, qui lui avait fait manger du pain noir et du fromage. Le roi son père, qui était bon homme, le crut, mais sa mère n'en fut pas bien persuadée, et voyant qu'il allait presque tous les jours à la chasse, et qu'il avait toujours une raison pour s'excuser, quand il avait couché deux ou trois nuits dehors, elle ne douta plus qu'il n'eût quelque amourette: car il vécut avec la princesse plus de deux ans entiers, et en eut deux enfants, dont le premier, qui fut une fille, fut nommée l'Aurore, et le second un fils, qu'on nomma le Jour, parce qu'il paraissait encore plus beau que sa soeur. La reine dit plusieurs fois à son fils, pour le faire s'expliquer, qu'il fallait se contenter dans la vie, mais il n'osa jamais lui confier son secret; il la craignait quoiqu'il l'aimât, car elle était de race ogresse, et le roi ne l'avait épousée qu'à cause de ses grands biens; on disait même tout bas à la cour qu'elle avait les inclinations des ogres, et qu'en voyant passer de petits enfants, elle avait toutes les peines du monde à se retenir de se jeter sur eux; ainsi le prince ne voulut jamais rien dire. Mais quand le roi fut mort, ce qui arriva au bout de deux ans, et qu'il se vit le maître, il déclara publiquement son mariage, et alla en grande cérémonie chercher la reine sa femme dans son château. On lui fit une entrée magnifique dans la ville capitale, où elle entra au milieu de ses deux enfants. Quelque temps après, le roi alla faire la guerre à l'empereur Cantalabutte son voisin. Il laissa la régence du royaume à la reine sa mère, et lui recommanda vivement sa femme et ses enfants: il devait être à la guerre tout l'été, et dès qu'il fut parti, la reine-mère envoya sa bru et ses enfants à une maison de campagne dans les bois, pour pouvoir plus aisément assouvir son horrible envie. Elle y alla quelques jours après, et dit un soir à son maître d'hôtel: «Je veux manger demain à mon dîner la petite Aurore. - Ah! Madame, dit le maître d'hôtel. - Je le veux, dit la reine (et elle le dit d'un ton d'ogresse qui a envie de manger de la chair fraîche), et je veux la manger à la sauce-robert.» Ce pauvre homme, voyant bien qu'il ne fallait pas se jouer d'une ogresse, prit son grand couteau, et monta à la chambre de la petite Aurore: elle avait alors quatre ans, et vint en sautant et en riant se jeter à son cou, et lui demander du bonbon. Il se mit à pleurer, le couteau lui tomba des mains, et il alla dans la basse-cour couper la gorge à un petit agneau, et lui fit une si bonne sauce que sa maîtresse l'assura qu'elle n'avait jamais rien mangé de si bon. Il avait emporté en même temps la petite Aurore, et l'avait donnée à sa femme pour la cacher dans le logement qu'elle avait au fond de la basse-cour. Huit jours après, la méchante reine dit à son maître d'hôtel: «Je veux manger à mon souper le petit Jour.» Il ne répliqua pas, résolu de la tromper comme l'autre fois; il alla chercher le petit Jour, et le trouva avec un petit fleuret à la main, dont il faisait des armes avec un gros singe: il n'avait pourtant que trois ans. Il le porta à sa femme qui le cacha avec la petite Aurore, et donna à la place du petit Jour un petit chevreau fort tendre, que l'ogresse trouva admirablement bon.Cela avait fort bien été jusque-là, mais un soir cette méchante reine dit au maître d'hôtel: «Je veux manger la reine à la même sauce que ses enfants.» Ce fut alors que le pauvre maître d'hôtel désespéra de pouvoir encore la tromper. La jeune reine avait vingt ans passés, sans compter les cent ans qu'elle avait dormi: sa peau était un peu dure, quoique belle et blanche; et le moyen de trouver dans la ménagerie une bête aussi dure que cela? Il prit la résolution, pour sauver sa vie, de couper la gorge à la reine, et monta dans sa chambre, dans l'intention de n'en pas faire à deux fois; il s'excitait à la fureur, et entra le poignard à la main dans la chambre de la jeune reine. Il ne voulut pourtant point la surprendre, et il lui dit avec beaucoup de respect l'ordre qu'il avait reçu de la reine-mère.«Faites votre devoir, lui dit-elle, en lui tendant le cou; exécutez l'ordre qu'on vous a donné; j'irai revoir mes enfants, mes pauvres enfants que j'ai tant aimés»; car elle les croyait morts depuis qu'on les avait enlevés sans rien lui dire.«Non, non, Madame, lui répondit le pauvre maître d'hôtel tout attendri, vous ne mourrez point, et vous pourrez revoir vos chers enfants, mais ce sera chez moi où je les ai cachés, et je tromperai encore la reine, en lui faisant manger une jeune biche en votre place.»Il la mena aussitôt à sa chambre, où la laissant embrasser ses enfants et pleurer avec eux, il alla accommoder une biche, que la reine mangea à son souper, avec le même appétit que si c'eût été la jeune reine. Elle était bien contente de sa cruauté, et elle se préparait à dire au roi, à son retour, que les loups enragés avaient mangé la reine sa femme et ses deux enfants.Un soir qu'elle rôdait comme d'habitude dans les cours et basses-cours du château pour y humer quelque viande fraîche, elle entendit dans une salle basse le petit Jour qui pleurait, parce que la reine sa mère le voulait faire fouetter, parce qu'il avait été méchant, et elle entendit aussi la petite Aurore qui demandait pardon pour son frère. L'ogresse reconnut la voix de la reine et de ses enfants, et furieuse d'avoir été trompée, elle commande dès le lendemain au matin, avec une voix épouvantable, qui faisait trembler tout le monde, qu'on apportât au milieu de la cour une grande cuve, qu'elle fit remplir de crapauds, de vipères, de couleuvres et de serpents, pour y faire jeter la reine et ses enfants, le maître d'hôtel, sa femme et sa servante: elle avait donné ordre de les amener les mains liées derrière le dos. Ils étaient là, et les bourreaux se préparaient à les jeter dans la cuve, Lorsque le roi, qu'on n'attendait pas si tôt, entra dans la cour à cheval; il était venu en poste, et demanda tout étonné ce que voulait dire cet horrible spectacle; personne n'osait l'en instruire, quand l'ogresse, enragée de voir ce qu'elle voyait, se jeta elle-même la tête la première dans la cuve, et fut dévorée en un instant par les vilaines bêtes qu'elle y avait fait mettre. Le roi ne put s'empêcher d'en être fâché, car elle était sa mère; mais il s'en consola bientôt avec sa belle femme et ses enfants.MORALITEAttendre quelque temps pour avoir un Epoux,Riche, bien fait, galant et doux,La chose est assez naturelle,Mais l'attendre cent ans, et toujours en dormant,On ne trouve plus de femelle,Qui dormit si tranquillement.La Fable semble encor vouloir nous faire entendreQue souvent de l'Hymen les agréables noeuds, Pour être différés, n'en sont pas moins heureux, Et qu'on ne perd rien pour attendre;Mais le sexe avec tant d'ardeur, Aspire à la foi conjugale,Que je n'ai pas la force ni le coeur,De lui prêcher cette morale.
Tuesday, June 12, 2007
La Belle au bois dormant à Covent Garden (IV)
http://www.danceviewtimes.com/2006/Spring/09/rbbeauty.htmlCould do better"The Sleeping Beauty"Royal BalletCovent Garden Opera HouseLondon 15 May to 3 June, 2006by John Percival copyright ©2006, John PercivalHow happy we were when Monica Mason announced that the Royal Ballet, to celebrate its 75th birthday, would mount a new production of "The Sleeping Beauty" trying to restore the qualities that won the company national and international fame. More than any of the other old Russian classics, it was "Beauty", together with our distinctive Ashton ballets, that set the company style. And the version premiered in 1946 for the move to Covent Garden Opera House remains, together with the Kirov's recent attempt to approximate Petipa's original, the supreme exposition of what this great ballet is really about.As the only complete collaboration of imperial Russia's greatest choreographer, Petipa, and greatest ballet composer, Tchaikovsky, the work marks a peak. When the Diaghilev Ballet in 1921-22 introduced it to British audiences with a three-month London season, young Ninette de Valois was one who watched and admired; later she danced in Diaghilev's presentation of extracts from it under the title "Aurora's Wedding".This helped inspire the original (but now widely copied) policy she invented on forming the Vic-Wells Ballet in the 1930s: a mixture of classics and creations. Engaging Nicholas Sergeyev, the former Maryinsky ballet master who had brought choreo-scripts with him on leaving Russia after the revolution, she quickly put on "Coppelia", "Giselle", "Nutcracker" and "Swan Lake", initially in cut-down stagings. But from "Beauty" (which he had mounted for Diaghilev) she at first took only the Bluebird and Aurora pas de deux, initially in 1933 for Markova and Idzikovsky, soon followed by other casts. The full "Beauty" had to wait until 1939 when the company was stronger and the Sadler's Wells stage slightly enlarged.Since Diaghilev had substituted some dances from other ballets, had Stravinsky orchestrate some numbers, and commissioned some new choreography from Bronsislava Nijinska, that first Sadler's Wells staging may have been the most faithful outside Russia until then. It ran twelve times at the Wells that season (a lot in those days of sharing the theatre). Moreover, two Acts were given at a Covent Garden gala honouring the French president, then repeated twice on television. Came the war, and they still managed to give 44 more performances 1940-42, although the production was progressively cut down as male dancers were conscripted. Fonteyn and Helpmann danced almost every show.With hindsight, a new, bigger and better "Sleeping Beauty" seems the inevitable choice for the 1946 move to Covent Garden, but it was a brave venture for de Valois's war-weary company, even though she knew "that we had outgrown the Sadler's Wells theatre in size; that we were ripe, at this very moment, for further expansion". The dancers were high-spirited: many of them recently back from war service, others (notably teen-ager Beryl Grey and Moira Shearer, just 20) ready for more responsibility, and quite a few newly recruited, including the young Bolshoi ballerina Violetta Prokhorova (later Elvin). Who could have guessed, however, just how successful a production it would prove for the two Royal companies: given — uniquely — every single year until 1970 (yes, that's 25 consecutive years) and reaching well over 1100 performances.The most cogent factor in effecting a transformation was Oliver Messel 's new design. De Valois in 1939 had wanted her "Beauty" to avoid the excessive heaviness (literal and metaphorical) of Diaghilev's. But, partly for lack of funds and space, Nadia Benois's designs erred too far in the other direction. Messel hit the spot exactly: magnificent but not over-powering. The great effects of architecture, fountains etc. were largely painted, not built, so they didn't monopolise space. And Messel took enormous trouble over the costumes, making the most of rationed materials, and even saving costs by making some headdresses himself out of pipe cleaners.Music director Constant Lambert worked to ensure the best possible results from the larger orchestra available (athough interestingly it was only when the production went to New York three years later that he was fully acclaimed for this). De Valois herself oversaw the staging. Having got the traditional choreography from Sergeyev, she did not call him back; he was now working with International Ballet, and anyway de Valois thought he lacked understanding of music and of production values, entries, exits etc. So it was she who ensured stylistic unity while achieving each scene' s individual quality, to match the value of Petipa's choreography: an unrivalled amount of pure dancing, each number distinct, imaginative and expressive, telling the story more in dance than mime, through the big adagios and solos in each scene.In 1939, the production had been as close to the original as the company's resources permitted; it even included the dance of Cinderella and her prince in Act 3, omitted postwar, presumably thought too trite. In 1946, a few dances were changed. Ashton made a new garland dance; it had to be for women only, but was very lovely and full of poetry. He also (following Nijinska's Diaghilev precedent) adapted the all-woman Jewel fairies into Florestan and his Sisters. De Valois staged the polonaise and also followed Nijinska in making a three-man Russian dance (the Three Ivans) to the principals' last-act coda music. Perhaps her rationale was that you couldn't have a coda since the Prince didn't then have a solo, but she added one for him in 1952, after Helpmann's retirement. Also then Ashton made a new solo for Aurora in the vision scene, "after Petipa" — using Elvin's Russian memories.Other adjustments were made to the production from time to time, but mostly it continued substantially and recognisably the same all those years. It also continued to this day in the memories of many who watched it again and again over the years (I know that I must have seen it well over a hundred times, maybe twice that or even more). So have we really recaptured the merits of that miraculous old staging? Only partly. The chief culprit is Peter Farmer, credited with "realizing" Messel's original designs and with unspecified additional designs. Having now seen Farmer's contribution five times, I truly believe there is not a single costume in it that is just as Messel intended. And the changes are not for the better. Farmer claims that the theory of design has changed and that we are better off with the more limited range of colour which he provides in any scene. Oh yes? In my view and that of many others, his costumes give the ballet a drab, dreary look. The King and Queen, for instance, formerly regal in purple, now look genteel in pale blue, although His Majesty is lumbered with a ludicrously tall crown; and why has he no sceptre? I read claims of preserving Aurora's "iconic" tutu — well, the skirt is different, and the sleeves are tighter and longer. Carabosse looks like a barmaid, and the Lilac Fairy's mauve frock proves how right Messel was to provide a costume with just a lilac edging to an ivory tutu. Surely Catalabutte is OK, said one colleague. Actually no — his new green breeches are unnecessary, the feathers in his headdress are overlong, and other detailing of what used to be a striking and memorable costume is changed. Worst off is our hero, Prince Florimund, whose wonderful red hunting costume is replaced by a beige jacket with ludicrous patches on sleeves and edging. It may be that Farmer knows the costumes only from the American Ballet Theatre's 1976 revival, which by general opinion was disastrous — wrong materials, poorly made up ("coarse and dreadful" according to Robert Helpmann). Messel officially supervised that production but was already ill and died a couple of years later. But Farmer's claim to interviewers that Messel wasn't really a designer is unforgivable impertinence.The settings fare better. I'm puzzled by a new front curtain that appears during the overture and again before Act 3, a very sketchy picture of pillars and a man standing on isolated steps. Is this something Messel started and abandoned as irrelevant, or is it Farmer's invention? Either way, it's pointless and should be removed. Apart from that, the settings for all but Act 2 do give a reasonable approximation of the original splendid architecture (although I miss the painted fountains). Messel's Act 2 (hunt and vision) was I believe adapted from an existing design but its rocks, trees and lake looked just right. However, a panorama proved impractical at the time. By inventing entirely new designs, Farmer has managed a sort of panorama scene, but not a very good one. He also omits the spine-chilling spider's web that used to obstruct the journey to the sleeping palace, and the clumpy boat he provides for part of the journey (left to make its own way off-stage once empty!) can't begin to compare with the delicately magical effect of the Lilac Fairy's former little boat, drawn along by a pair of butterflies.And what of the actual staging? It's by Monica Mason and Christopher Newton, and the outcome is a bit mixed. Prologue: some attention needed. Why does an attendant announce "The king and queen are coming this way" when actually they are already entering from another direction? Couldn't the fairy soloists be more strongly cast (we used often to have principals) and coached for more differentiation? At the end, it would make more sense to restore the king's mime proclaiming death for anyone who brings needles to court.Act 1: there's a new garland dance by Christopher Wheeldon for twelve women and eight men. Much too fussy and prettied up, with dancers running off and on all the time (not something you'd do, surely, when performing for the monarch). The four princes courting Aurora have feeble costumes and an unnoticeable entrance. And they block the way so that Aurora loses her diagonal leaning in turn over four of her friends (who have also lost their musical instruments).Act 2: disaster! The hunting party have lost almost all their dancing, so their entry seems ludicrously perfunctory, and the blindfolding of Gallison out of proportion (as too is his uniquely long hair). Yet we' ve an added solo for Florimund — danced in his shirtsleeves. It's one that Ashton created for a quite a different production, and as performed at present looks mimsy. How much more effect Robert Helpmann made at that point in 1946 just by acting: he gazed into the distance with his back to the audience but made us feel all the longing that was about to be focused on the vision of Aurora. The panorama I've already mentioned. Awakening — is it perhaps a little heavy handed?Act 3: thank goodness, no Three Ivans, so the principals get their solos and their coda. The court seems underpopulated and the total effect consequently somewhat lightweight. Apropos of which, I would say that on the whole the producers and the various coaches listed don't seem to have got over to the cast as a whole just why this ballet is important, and how it can be exciting to dance — which in turn would make it more exciting to watch.We've had five couples in the lead roles. On the first night, Alina Cojocaru's Aurora was nimble, with lots of quick little steps. Don't I remember that Ashton told Fonteyn in 1946 to hold everything a little longer to carry in this house? Still good advice. Tamara Rojo danced brilliantly (astonishing balances and multiple pirouettes); no problem in projecting there. I wasn't bowled over by either Roberto Marquez or Sarah Lamb, both a bit stolid. But Marianela Nunez was irresistible: such warmth, such commitment, such generosity of feeling. Among the Florimunds, Viacheslav Samodurov danced the brightest solo, Thiago Soares acted and partnered most nobly, Federico Bonelli maybe struck the best balance. Alexandra Ansanelli and, more especially, Nunez both did nicely as Lilac Fairy. Elizabeth McGorian was so much livelier than Genesia Rosato as both Carabosse and Queen that it's a shame she can't do both at once. Gary Avis's acting makes more of the King than the production does. I've seen three Bluebirds, none of them impressive, four Florestans, ditto, but Belinda Hatley and young Yuhui Choe do well as Princess Florisse. I wish, I really do, that I could welcome this production more warmly. Will things improve? Probably, but we'll still be lumbered with Farmer's awful costumes.
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